Et ça continue encore et encore

Je suis partie très loin, je suis allée vivre dans une région froide, humide et grise , qui ne me plaisait pas , avec un homme qui ne me plaisait pas .

Et tout cela pour quoi ? Pour éviter d'affronter la peur la plus démesurée de toute ma vie : celle d'oser être moi-même en face de mes parents , au risque de perdre leur affection .

Cette peur -là est tellement énormissime qu'il m'était impossible ďe l'affronter . Et plutôt que d'affronter ma peur , j'ai préféré fuir et souffrir pendant des années de solitude, d'isolement, de nostalgie , de mal du pays, etre malheureuse en amour . J'ai tout fait pour me coincer, encore et encore et surtout pour ne pas pouvoir être en mesure de revenir cotoyer mes parents et affronter enfin ma peur . Quand j'ai réussi à divorcer, je me suis persuadée moi-même qu'il était plus sain pour ma fille que je l'élève près de son père.  C'était aussi absurde que super efficace pour me maintenir là où je me trouvais déjà.  Quand ma fille a grandi, j'ai rencontré un autre homme et je me suis empressée de refaire un enfant, histoire de me coincer encore et toujours et de ne surtout pas pouvoir retourner vivre auprès de mes parents . Quand je me suis séparée,  je disais que ma fille souhaitait poursuivre ses études ici et que donc je ne pouvais changer de région . 

Je sais maintenat que tout cela n'étaient que des techniques de camouflage sensées masquer la vérité : ma peur de revenir près de mes parents , les affronter, oser être moi-même , sans m'occuper de savoir si cela leur plait ou pas , leur dire non ou merde quand cela s'avère être nécessaire. 

Toute ma vie fut conditionnée par cette peur primitive et viscérale,  cette peur que je suis incapable d'affronter en face . 

J'ai tenté de séduire beaucoup , par mon charme, mon sourire, mon humour,  ma bonne humeur , ma gentillesse . J'ai toujours tout fait pour me faire aimer. Et j'ai fait les mêmes erreurs que je faisais, petite, auprès de mes parents , pour ne surtout pas risquer de perdre leur amour : je disais toujours oui, j'étais  serviable , faisante , toujours enjouée.  Et moi ? Je m'oubliais . Comme dans mon enfance, je me gommais . Je me suis tue et je me suis tuée.  Etre moi-même,  sans fard ni artifice, sans faire semblant d'etre bien quand je suis mal, sans faire semblant d'aimer ce que je n'aime pas ni qui je n'aime plus .