Orage interne
Je m'sens si seule, parfois si triste , tout'seule tout au bout de la piste
Roulée en boule dans mon mal-être, je m'vautre dedans et je m'empêtre
Tout m'paraît moche, tout m'semble gris, tout s'effiloche dans mon ennui
Alors je bouffe pour m'enterrer, pour qu'mes émotions m' foutent la paix
Et plus j'm'empiffre, et plus j'm'essouffle, j'en perds ma vie et je m'étouffe
Je me sens grosse, je m'sens énorme, avec plein d'bosses qui me déforment
Mon ventre déborde et m'emprisonne, comme un étau qui m'empoisonne
Il prend une place démesurée, il m'envahit et il m'enserre de ses bourrelets
Il m'interdit de m'habiller, ne m'autorise pas la beauté, et il me prive de liberté
Pourquoi j'suis si dépendante ? Pourquoi faut-il qu'j'sois défaillante ?
J'm'sens si bien quand je maigris, quand je m'affine, quand j'm' délivre de c'qui me lie
Je m'sens revivre et je m'sens libre, je me sens belle et j'ai des ailes
Mais ça dure pas et je replonge bien trop vite, dans l'chocolat et les biscuits, tout c'qui faudrait que j'évite
Et je replonge tête baissèe comme une idiote sans cervelle dans la gamelle de mes excès
Et je reprend toute l'épaisseur qu'j'avais perdue par mon ardeur
Et j'en prend même d'avantage, à chaque fois je rajoute un étage
J'ai l'impression de m'élargir sur tous les plans, comme un gros monstre dégoûtant
Mon ventre se gonfle et se distend, s' met à ronfler puis se détend fort bruyamment
Je m'dis que j'le laisse commander, que j'suis indigne d'm'avoir ainsi abandonnée
J'resterai toute seule, avec personne à mes côtés, car qui voudrait d'une pauvre échouée
Qui a perdu toute dignité et n'sait même pas se contrôler
A toute vitesse s'écoule le temps, voilà bientôt mes cinquante ans
Toujours personne à l'horizon , faudrait que j'me fasse une raison
Je n'suis pas douée pour les amours, et nulle en tout , pour faire plus court
Allez, lecteur,arrête de lire mes jérémiades, passe ton chemin, ça vaut pas l'coup que tu t'attardes
T'as mieux à faire et moi aussi, rien ne vaut l'action et rien ne vaut la vie
Au lieu d'gémir sur toutes mes failles , faudrait qu'je gère ma marmaille
Que j'fasse le miam, les commissions, je suis une femme, c'est ma mission
Gagner not' croûte, m'bouger les fesses, quoi qu'il m'en coûte, faut qu'rien ne cesse
Et les pensées, qu'elles soient douces ou détestables , n'sont qu'des pincées d'nuages indésirables
Not'réalité s'trouve bien ailleurs, oublions les plaies, délaissons les pleurs
Le frigo s'vide comme par magie , la casserole brûle,et les moutons qui s'accumulent sous le lit
La solution est d'oublier tout ce tracas, d'aller bosser, de se lancer dans la mêlée avec fracas
Y'a plus de temps pour trop penser, y'a juste l'argent qu'il faut gagner
Alors après je m'écroule , épuisée de la fatigue accumulée, et je m'endors, roulée en boule, toute habillée .
L'est beau mon gâteau hein? la bouffe, toujours la bouffe, on n'en sort pas ....