Le serpent qui dort

D'où vient cette angoisse qui monte en moi à chaque fois que je dois reprendre le boulot ? Qui me pourrit la journée, et m'empêche de faire la sieste , cette peur qui se trouve tout au fond de moi, tapie comme un serpent roulé en boule, qui somnole et attend son heure.

D'où vient cette silencieuse bétonnière qui me retourne le fond de l'estomac, doucement, sournoisement mais qui continue malgré tout, quoi qu'il arrive ? Rien ne peut anéantir la machine et tuer le serpent . Ils sont là, au fond du gouffre, ils attendent; En ricanant. Tôt ou tard, ils me tortilleront les boyaux. 

Quoi que je fasse, même avec l'expérience, la vie, tout, la peur reste et tapisse mon abîme, comme un tapis de moisi qui revient, quels que soient les produits miracle que tu peux lui mettre sur la gueule. 

Je peux partir à l'autre bout de la planète, je m'emmene avec moi, donc je l'emmene aussi. Elle est en moi . 

Comment l'extirper? 

En voilà une de pensée douloureuse qu'il vaut mieux tout faire pour éviter: la peur m'accompagne partout et je n'arrive pas à m'en défaire. Elle me colle à la peau et aux boyaux. 

Ma vie n'est qu'un simulacre, une farce . En fait, c'est la peur qui tire les ficelles du pauvre pantin que je suis. Un clown triste, dont le maquillage les pitreries et le nez rouge semblent tromper tout le monde sauf moi, qui sais , qu'au fin fond sommeille un clown triste, affaibli par une bête immonde, un démon qui ne pense qu'à moisir le moral des troupes , sans raison. 

Ecrire tout cela n'est pas très intelligent, ni très interessant mais écrire tout cela est un peu libérateur, adoucissant, en affaiblissant le serpent . Rendors-toi jusqu'à la prochaine fois, allez coucouche apnier , sale bête. 

Qu'est-ce qui pourrait tuer la bestiole ? Changer de boulot, de ville, avoir un chéri ? Je crois que la réponse est rien. Je ne peux pas la tuer, juste vivre avec , la supporter, l'oublier, et surtout ne pas la nourrir. 

Je vais m'aérer, faire des courses, faire à manger, étendre le linge, m'agiter pour me remettre sur la terre, m'occuper des autres pour oublier mon serpent, et ne pas l'écouter. 

Le travail a dû être inventé à cette fin : bien nous fatiguer, comme cela, on sombre dans le sommeil et on ne se pose pas trop de questions tordues qui restent sans réponses et nous torturent . 

Beau, non?