Pour Fannie
N'ai pas peur
Laisse parler en toi la petite fille
Qui s'appelle Fannie
Cette enfant qui n'a jamais eu le droit de s'exprimer
Pas le droit de se mettre en colère
Pas le droit de se révolter
Pas même le droit de pleurer
Alors que les adultes
Ceux qui auraient dû la protéger
Prenaient, eux, le droit de hurler
Abus de pouvoir
Colère injuste et injustifiée
Rage et folie
Aller jusqu'au bord du précipice
Plonger et entrainer les autres avec soi
Se noyer et vouloir que tous sombrent aussi
S'autodétruire et détruire aussi sa famille
Un démon qui s'empare d'un papa
Et l'entraine loin des rivages du bien
Un démon qui le submerge
Et contre lequel bientôt il ne peut plus rien
Pauvre humain qui abdique
Et qui abandonne tout: la lutte, la vie et les siens.
Ce papa, il faut le plaindre
Car il se rend malheureux
Et il rend les autres malheureux
Ce qui est la même chose.
Aujourd'hui, ce papa n'est plus
Libéré de ses démons
Libéré de cette spirale infernale
Il est sauvé.
Mais les autres? Et surtout la petite fille,
La petite dernière?
Celle qui a tout subi
Celle dont on s'est servie pour se protéger
La petite qui protégeait sa maman
En calmant son papa
Bien pratique pour tous les deux
Elle était bien sage, bien gentille
Jamais de révolte
Elle a tout fait, a eu tous les rôles
A la fois mère, soeur, fille, infirmière et cuisinière
Et elle a bien tout enfoui au fond d'elle
Tout ce qu'elle n'a pas dit
Elle l'a gardé en elle
Tout ce qu'elle n'a pas vécu
Elle l'a inscrit dans sa chair
Elle a muselé la petite fille
Comme on le lui a si bien appris
Mais elle est toujours là, la petite fille
tapie au fond d'elle même
Toute petite, toute seule
Personne ne l'a jamais écoutée, personne,
Même pas la grande Fannie qui l'abrite.
Elle lui a dit:"Tais-toi petite fille
Oublie tout ça
C'est pas si terrible
Tes parents, ils t'aimaient
Même s'ils ne savaient pas y faire
Alors, tais-toi, oublie, pourquoi t'oublies pas?
Moi je veux oublier
J'abandonne cette petite fille
Pleine de terreurs, pleine de questions
Je l'abandonne comme on m'a abandonnée
Je la mal-aime comme on m'a mal-aimée."
Mais la petite fille ne PEUT pas se taire et oublier
Elle essaye pourtant de toutes ses forces
Mais elle ne PEUT pas
Et pourquoi donc?
Parceque personne ne l'a écoutée
Personne n'a pris le temps
Elle a toujours compté pour du beurre
Et maintenant encore
Et la grande Fannie n'arrive pas à se libérer de son passé
Elle n'y arrive pas parcequ'elle ne veut pas libérer la petite fille
Pour cela il faudrait qu'elle l'écoute
Qu'elle la console, qu'elle l'aime
Qu'enfin, elle la prenne en compte
Qu'enfin elle prenne en compte sa grande souffrance.
Oui, cette petite fille a souffert
Non, ses parents n'ont pas été à la hauteur
Oui, cette petite fille a été très malheureuse
Il faut le reconnaitre
Il faut enfin ouvrir les yeux et le coeur
Et être honnête avec la petite fille
C'est une question de respect
Plus de langue de bois
Fini le change, la comédie
Et la petite fille, enfin entendue
Enfin souriante, enfin libérée
Cette petite fille pourra arréter de tourmenter la grande fille
Et la laisser vivre sa nouvelle vie
Avec sa belle et aimante famille
La laisser librement jouir du bonheur
D'être en confiance, relachée, enfin en paix
La grande fille n'aura plus peur
Plus peur d'être ELLE
Transparente, coeur nu
"Voyez, j'ai été malheureuse
Mais j'ai fait la paix avec mon passé
Mais je l'ai fait pleinement
Sans me voiler la face
En étant totalement franche
Toute la vérité votre honneur!
Parceque toute cette vérité, crue
Je la portais seule depuis trop longtemps
Et elle a été un fardeau bien trop lourd
Pour la petite fille que j'étais alors
Mais personne ne voulait partager avec moi
Pas fous les autres! Ils ont tout de suite vu qu'ils y laisseraient des plumes
Mais moi, j'étais un vaillant petit soldat
Alors j'ai tout porté toute seule
La violence, la peur, la maladie, la mort,
J'ai été courageuse au delà de mes limites
Au delà de mes forces même
Mais je ne le savais pas...
Je me croyais invincible
Mais je ne suis qu'une petite fille grandie
Qu'une petite humaine sensible et fragile
Et quand l'édifice de ma forteresse
Construite par moi depuis des années
Pour me protéger du désespoir,
Quand cette forteresse a craqué
Tout en moi s'est écroulé
Et le désespoir m'a submergée
Un immense tsunami intérieur
Assez énorme pour me noyer
Comment donc?
J'avais accumulé autant de souffrance en moi et je ne le savais même pas?
J'ai donc si longtemps muselé cette pauvre petite fille?
Aujourd'hui, mon père est mort, libéré
Et ma mère est vieille. Paix à eux deux
Mais moi je suis en pleine vie
Je dois m'occuper de moi, c'est un devoir
Ne serait-ce que par respect pour cette petite fille si longtemps ignorée!
Je dois me laver de cette souffrance
Or pour qu'elle s'en aille
Il faut la regarder en face
Et l'écouter
L'EXPRIMER
La faire sortir d'une façon ou d'une autre
Ainsi je n'aurai plus besoin de carapace
Et je n'aurai plus jamais peur
Et je pourrai vivre cette magnifique vie qui est la mienne."
Ta vie Fannie
Ta victoire
Ta liberté